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      Philémon  
Philémon Le Verrier.
Je suis né à Saint-Pierre-du-Mont en 1799, près la Pointe-du-Hoc en Normandie, là où un brave homme, simple d'esprit, m'a recueilli alors que j'étais promis à une noyade rapide et définitive.
Ce jour là il semble que la mort déjà en possession de sa proie m'a définitivement oublié.
Mon étonnement dure encore.

J'ai quitté mon village après avoir perdu mon amoureuse en couche, et j'ai pris la route que je n'ai guère quittée depuis.
J'ai commencé cet interminable chemin par une longue saison de pêche à la morue fraîche en mer d'Islande. J'y ai appris la vie et la mort, comme celle de François mon maître de pêche, que j'ai dû me résoudre à assassiner.
Cocher de Napoléon Bonaparte à Paris, bûcheron en la ville de Chimay, j'ai fait connaissance avec cette idée saugrenue que la mort m'ignorait!
Qui pourrait croire une telle fable.
Puis j'ai fait connaissance d'Annabelle.
J'en suis tombé amoureux au premier regard alors qu'elle prenait un bain et que je cherchais juste à voler quelques livres dans le château de son père afin de me perfectionner dans la lecture. J'en suis devenu maréchal-ferrant pour mieux l'approcher.
Peut-on imaginer plus belle rencontre?
Nous avons passé de merveilleuses années ensemble avant que son amour décline, et que l'envie de voyager ne me reprenne.
Après quelques mauvaises rencontres dans le Massif-Central, je suis revenu à Paris un peu pour me cacher des gens d'armes. J'ai découvert Alice, perdue dans les limbes de la prostitution, que j'ai d'abord sauvée avant de la perdre en juillet 1830 en pleine révolution.
Ce n'était pas mon premier chagrin, et en sa mémoire j'ai tenu à m'occuper de sa fille Louise.
C'est ainsi que je me suis retrouvé la goule enfarinée en Guyane pour tenir une parole que je n'avais jamais donnée en compagnie de Justine aux seins magnifiques et de Louise.
C'est là un jour étonnant, qu'un shaman nommé Petro en compagnie de ma maîtresse m'a annoncé sans rire que je n'étais pas vivant...


Philémon
Je reconnais volontiers que la chance m'a beaucoup sourit au long de ma vie, entre chutes d'arbres, balles sifflant à mes oreilles sans jamais en vouloir à ma peau, attaque de brigands ou de gens d'armes ce qui se ressemble peu ou prou, naufrage...
J'ai connu la douleur de perdre Shilo dévorée par les rats, et comme si Dieu lui-même avait voulu s'excuser, connu Marie à Cherbourg.
C'est avec elle que mû par une envie soudaine, et une mauvaise histoire avec son mari, nous avions pris le chemin de Compostelle.
La route est longue qui mène à la rédemption, entre vision mariale, et hivernage à Saint-Malo. Où elle m'avait laissé choir me plongeant sans le savoir dans un méchant pas qui s'était terminé à la prison du Bouffay à Nantes.
De longs mois, où on avait voulu m'apprendre à me courber.