La chanson de l'ara
A travers les barreaux de l’ignoble fenêtre,
J’observe le soleil qui comme tous les jours,
Plonge sur l’horizon en jetant sur la cour,
Les ombres de la nuit, avant de disparaître.
Je vais compter le temps dans les rumeurs du soir,
Un nombre capricieux de minutes pesantes,
Qui au gré des clameurs s’en vont agonisantes,
Lambeaux de vie inutiles et accessoires.
Les murs de ma prison s’enflamment du couchant,
Estompant un instant les gris de ma cellule,
Se prenant de couleurs l’instant d’un crépuscule,
Je sens la liberté, elle est à bout touchant,
Juste en fermant les yeux, respirer son parfum,
La toucher, lui parler, m’éloigner avec elle,
Partir sur les chemins, partir à tire d’aile,
Pour sillonner toujours de longs chemins sans fin.
Mais la nuit de nouveau me terrasse et m’entoure,
Dessinant ça et là de nouvelles figures,
Chimères obscures de bien mauvaise augure
Cauchemars épanouis aux incertains contours.
Au-delà des barreaux j’imagine le monde,
Que je n’ai jamais vu autrement qu’en image,
Punaisée devant moi, sur ce vieux mur sans âge,
Un océan sans fin où un orage gronde,
Trois îlots de verdure, un quai de pierres noires,
Un navire fumant de méchantes volutes,
Recrachant sur la cale un chapelet hirsute,
De quidams enchaînés marchant au purgatoire.
| | Les regards sont perdus, et les fers aux poignets,
Je les vois haleter, passant le cimetière,
Les visages marqués sous les coups des cerbères,
Ils sont sous les palmiers, ils sont tous résignés.
Je peux lire le nom du monde du dehors,
Lettres rouges debout comme des sentinelles :
Aux îles du salut, réclusion criminelle.
Je jalousais ces gueux pourtant voués à la mort.
J’ai maudit cette cage, injuriant ces barreaux
Je me sais enfermé une corde à la patte,
Nous avons eux et moi condition bien ingrate,
Bagnards ou perroquet, portons notre fardeau.
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